En France, l’échec est largement mal perçu. On y voit souvent une preuve de faiblesse ou une faute. Le sport, et le football en particulier, n’y font pas exception. Aujourd’hui, La défaite en football est de moins en moins tolérée sur le terrain ou dans les tribunes. A chaque match, la victoire est presque devenue une obligation. Et concernant les moyens mis en œuvre on repassera ! Pour preuve, il n’est pas rare d’entendre aujourd’hui des joueurs ou des entraîneurs utiliser le triste et fameux « l’important c’est les 3 points ».
Mais plus encore, c’est la défaite qu’il est quasi-impératif d’éviter à tout prix, tant les conséquences d’un revers sont devenues intolérables. Combien de fois avons-nous entendu -après un bon vieux 0-0 des familles- «Ce soir, on était bien en place, on s’est rassuré » ? Au travers de ces mots, on comprend que la peur de perdre est devenue plus forte que la volonté de gagner. Les coachs peuvent être paralysés par cette pression. Surtout lorsqu’on sait qu’après quatre ou cinq défaites consécutives les entraîneurs sont rapidement menacés de limogeage.
Et si nous changions le sens que l’on donne à la défaite? Car la défaite en football a en réalité plusieurs vertus que même les victoires ne possèdent pas.
Table des matières
Le rapport de la société à la défaite en football et plus largement à l’échec
Dans la société, il existe aujourd’hui une quasi-indignité dans la défaite. Pourtant, en France, il n’en fut pas toujours ainsi. Depuis le début du développement massif de la pratique sportive, les amateurs de sport aiment la victoire. Cependant, ils semblent savoir se montrer indulgents devant certaines défaites.
Les exemples de glorieuses défaites
Dès 1900 dans le journal Le Vélo, il est déjà question de « vainqueur moral » à propos d’un cycliste battu lors d’une course. Cette notion de vainqueur moral renverse la hiérarchie établie par la compétition. Le véritable vainqueur devient alors le vaincu parce qu’il s’est bien battu ou parce qu’il a été victime de la malchance. La défaite est alors quasi muée en victoire ! Quelques décennies plus tard, il en sera de même avec le « phénomène Poulidor » et ses manifestations d’affection à l’égard de ce coureur cycliste présenté comme l’athlète toujours vaincu ou comme l’éternel second. Face à la « machine » Jacques Anquetil, « Poupou » est l’illustration vivante des occasions ratées.
Et que dire de la fête et des manifestations offertes à l’AS Saint-Étienne à l’occasion de la défaite 1-0 en finale de la coupe d’Europe des clubs champions, le 12 mai 1976, à Glasgow ? Le lendemain du match, la presse reprend, à nouveau, la notion de « vainqueurs moraux ». La conversion des vaincus en vainqueurs n’est pas qu’une lubie de journalistes puisqu’une foule en délire de 10 000 personnes acclamera les « héros de Glasgow » lors de leur descente des Champs-Elysées. « Un triomphe » également accompagné d’une diminution du mérite des vainqueurs allemands présentés comme des êtres froids, rugueux et sans génie. Rien que cela! Ainsi valoriser les vaincus, qui se sont bien battus, revient à ne pas privilégier l’efficacité d’une force finalement implacable…
Un certain retournement des valeurs
Aujourd’hui, de nouvelles règles régissent le fonctionnement de la société. Les valeurs morales dominantes ont, de ce fait, elles aussi, connu des modifications. Logiquement, ces changements ont impacté la pratique sportive. La victoire et la défaite sportives et la signification que leur accordent ses acteurs et ses spectateurs sont en rapport direct avec ces valeurs nouvelles. dans notre société, la compétition économique est exacerbée, il faut « lutter pour vaincre », il faut « battre le concurrent » et la pratique sportive n’échappe pas à cette tendance forte.
De plus, dans le même temps, l’évolution de la société est de plus en plus régit par l’image. Aujourd’hui, notre vision est façonnée par les médias et les agences de communication qui ont créé un véritable « marketing de la victoire » qui devient quasiment la norme. Alors, au sein d’une société où l’on est de plus en plus comparé et/ou noté, la défaite ou l’échec deviennent dès lors insupportables car renvoyant à l’image de l’incompétence ou du looser.
C’est pourtant oublié bien vite qu’il faut bien souvent savoir perdre avant de gagner. Il existe un processus qui mène à la victoire. En ce sens, l’échec peut être aussi perçu comme un gage d’audace et d’expérience. Les succès viennent rarement sans accroc. D’ailleurs l’un des slogans des entrepreneurs à succès « échoue souvent, échoue tôt, échoue à chaque fois »vient appuyer cette vision. « Ce n’est en rien la défaite qui est problématique, c’est la perception que l’on en a ».
La recherche du coupable avant la recherche de la solution
Une défaite cela reste lourd, frustrant, décevant et même vexant. Et pour que le revers fasse sens et s’intègre à un processus de progression, il ne faut pas se défiler devant elle et ne pas chercher le ou les coupables en lieu et place des solutions. Trouver un coupable n’est pas trouvé la solution ! Lorsqu’on accuse le partenaire, le terrain, l’arbitrage, ou encore le calendrier: Cela épargne sans doute l’égo des perdants, cependant en sous-entendant ceci ils ne prennent pas le chemin vers une progression. Et il en est de même lorsqu’on désigne le sort comme responsable, en proclamant que « ce soir cela a souri à l’adversaire ».
Il y a pourtant des défaites en football qui ont été fondatrices
En football après une défaite, il y a une phase où l’on doit se reconstruire. Ce temps nécessaire pour remonter la pente peut s’apparenter à un « petit deuil ». Dans le foot, les joueurs ou les équipes ont la chance de pouvoir se racheter rapidement. Cependant après certains revers, il est plus difficiles de rebondir, donc plus difficile d’encaisser et d’accepter. C’est, par exemple, le cas pour les finales de Coupe du monde.
Des succès bâtis après des défaites marquantes
Dans l’histoire du football, il y eut des victoires qui ont eu pour genèse un revers ou un échec retentissant. En équipe de France, nous pouvons prendre l’exemple du titre de champion d’Europe en 1984 qui a sans doute beaucoup à voir avec la terrible défaite en demi-finale de la Coupe du Monde 82 contre la RFA. Et que dire de la désillusion un soir de Novembre 1993 au cours duquel l’équipe de France perd son billet pour la Coupe du Monde 1994 face à la Bulgarie de Kostadinov! Aimé Jacquet s’est appuyé sur ce cauchemar pour métamorphoser et recomposer un groupe qu’on croyait maudit. Enfin, citons l’Olympique de Marseille qui a remporté la Ligue des champions en 1993 après avoir été battu en finale de la C1, deux ans auparavant par l’Etoile Rouge de Belgrade.
Ces exemples de défaites fondatrices montrent qu’il est possible pour des équipes de se remobiliser et de se remettre en question après avoir mordu la poussière. Le ressort est alors double. La motivation est décuplée et la défaite en football est convertie en expérience.
Et des victoires sur lesquelles on ne peut construire
Le sport et le football offrent ce type de paradoxe. Comme nous l’avons vu précédemment, le monde du sport aime certains perdants magnifiques mais en aucun cas les « vainqueurs moches ». La Grèce d’Otto Rehhagel victorieuse de l’Euro 2004 en est le parfait exemple. Avec une équipe disciplinée et un jeu minimaliste comme identité de jeu, la Grèce défend avec un bloc bas, laisse le ballon à l’adversaire et l’ami Otto ressort le marquage individuel strict des placards. Pas très funky mais terriblement efficace ! Cependant ce ne fut que « one shot » une victoire éclair sans réel lendemain. L’effet de surprise était passé et la clef du cadenas grec trouvé.
Dans ses attentes, le monde du football est de plus en plus court-termiste. Aujourd’hui il faut gagner et tout de suite ! Par exemple, le Paris Saint Germain et de sa direction Qatarienne, qui n’a pas souhaité perdre de temps, qui a très rapidement investi en masse. Malgré tout, la ligue des Champions se refuse toujours à eux. Ils ont remporté de très nombreux trophées en France mais leur ambition était et reste la C1. Et puis, en tentant d’être objectif, lorsqu’on n’est pas supporter, les victoires du PSG n’ont pas la même saveur que certains autres succès obtenus par d’autres clubs. La victoire est normale, logique finalement peu enthousiasmante… C’est, sans doute, une vision romantique du football mais nous l’assumons au Phénix United.
La remise en question : socle de toute progression vers la victoire
La raison de la défaite en football : germes de la prochaine victoire
Cela fait sans doute adage un peu facile, pourtant c’est une réalité! Au cœur d’une défaite se trouvent les germes de la prochaine victoire. Pour cela il ne faut pas percevoir la défaite uniquement comme la fin de quelque chose ou comme une catastrophe. Au contraire, il faut la voir comme une étape et un moyen de progresser. D’autant plus que, bien souvent, l’équipe possèdent les mêmes capacités que celles qui lui ont permis de remporter des matches auparavant. Cependant, une défaite est « intéressante » que lorsqu’on se sert de l’analyse du match pour travailler, encore plus, les points faibles.
L’ivresse de la victoire : œillères empêchant la remise en question
Il est souvent dit par les techniciens du football qu’il faut davantage se méfier des victoires que des défaites. En effet, la victoire a parfois un effet hypnotique, qui occulte ce qui n’a pas fonctionné durant un match. Après une défaite, tous les détails reviennent bien plus facilement. Généralement, on sait souvent pourquoi on a perdu mais pas forcément pourquoi on a gagné.
Toutefois, je ne crois pas aux victoires destructrices par excès de confiance, par habitude de la victoire ou par manque de renouvellement. Il est toujours mieux d’aller au « combat » avec des gens qui ont déjà gagné. Le véritable piège n’est pas, à mon sens, les groupes qui n’ont pas connu la défaite, mais ceux qui n’ont jamais oublié qu’ils avaient gagné, avec des joueurs qui rabâchent continuellement leurs succès d’hier. Leurs exploits passés aveuglent leur jugement présent et leur sert même parfois de totem d’immunité » face aux critiques. C’est sans doute ce qui arriva à l’Espagne en 2014 et 2016 après avoir remporté trois compétitions majeures de rang.
Apprendre la défaite en football dès le plus jeune âge
A mon sens, la notion d’échec doit être intégrée dans les processus d’apprentissage des jeunes dans les écoles de foot. Cela permettra d’éviter, plus tard, les frustrations et les découragements après avoir été battu. Globalement, le but étant d’éviter que les jeunes soient en incapacité de gérer les échecs qui finiront par arriver sur un terrain ou dans la vie.
Certains grands champions ont connu, jeune, l’amer goût de la défaite. C’est le cas de Rafael Nadal qui ne passe pourtant pas pour un joueur facile à battre. A ses débuts en catégorie jeune, il perdait régulièrement face à un certain Richard Gasquet. Cependant, il a capitalisé sur cette défaite pour devenir le joueur de tempérament qu’il est encore aujourd’hui. A l’opposé, le jeune Gasquet à qui tout réussissait, a sans doute été trop brillant. Mais surtout, il n’a sûrement pas totalement su se remettre en question lors de son passage sur le circuit ATP et avec le commencement des difficultés. Pourtant, il semblait bien qu’il serait « meilleur » que Nadal…
Dans le football, combien de brillantes « pépites » dans les catégories jeunes n’ont pas confirmé dans les rangs professionnels ? Beaucoup ont disparu, ont été oubliées sauf peut-être par les fans de Football Manager. Parmi ces disparus nous pouvons citer Freddy Adu, Kerlon, Bojan ou encore Mourad Meghni.
Ce n’est pas le résultat qui compte mais toujours le cheminement
Il est souvent dit « Dans un voyage ce n’est pas la destination qui compte mais toujours le chemin parcouru. ». Par analogie, il peut également être dit « dans le football, ce n’est pas le résultat qui compte mais toujours le cheminement vers celui-ci.
De l’importance d’analyser le processus plutôt que les résultats
Il se dit également que dans le sport « Les vainqueurs ont toujours raison » et les médias accentuent ce raccourci. Et même lorsqu’ils s’aventurent dans le domaine du processus, ils ne l’observent que par le prisme du résultat. D’ailleurs, combien de débats sont organisés sur le jeu, sur les méthodes d’entraînement, sur la tactique ? Pourtant tout ceci est bien plus enrichissant et fait partie du processus qui conduit à un résultat.
Vivre une aventure collective même dans la défaite en football
Dans le football, la vie de groupe est d’une importance considérable. Avec le temps, les anciens joueurs, bien souvent, regrettent plus cette vie de vestiaire que les rencontres en elles-mêmes. La pratique du sport ou même le fait de supporter une équipe permettent de vivre collectivement des émotions. Le chemin parcouru ensemble lors d’une saison et comment il a été vécu collectivement en dit également beaucoup sur nous.
Perdre dans la dignité
Les échecs font partie du football comme de la vie. Avoir du caractère c’est aussi l’accepter avec dignité. On dit même qu’elle forge ce même caractère. En ce sens, j’aime beaucoup la citation de Winston Churchill qui dit que « Le succès, c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme ». De plus, le plaisir et le sentiment de fierté ne résident pas uniquement dans la victoire. L’enjeu, c’est donc de savoir perdre, d’apprendre à perdre avec élégance. C’est finalement perdre mieux. Perdre avec autorité. Perdre avec dignité.
La conclusion du Phénix United sur la défaite en football
Finalement, Il faut accepter que la défaite fasse partie du jeu. Il n’est pas question d’accepter ou de s’habituer à la défaite, il est question de la comprendre. Affronter de cette manière, la défaite est alors une histoire de courage, de caractère et de détermination. Peut-être même de résilience. C’est ainsi qu’on peut apprendre de cette défaite et de l’adversité. Pour nous, si défaite il y a, on se doit de « perdre mieux » que les autres, avec une certaine autorité et dignité. Oui ! On peut grandir dans la défaite ! D’ailleurs en ce sens, une victoire ne donne jamais autant qu’une défaite ce sentiment profond de vouloir s’améliorer.